Le Musée de la Cour d’Or à Metz
Aujourd’hui je vous emmène à la découverte d’un très beau musée de la région, celui de la Cour d’Or à Metz. Pourquoi ce nom ? Il serait situé sur l’emplacement du palais des rois mérovingiens d’Austrasie, appelé palais de la cour d’or du fait de ses grandes richesses.
Pour un néophyte, ce nom prestigieux n’est en revanche pas du tout représentatif de ce que contient le musée. On pourrait avoir tendance à se dire qu’il n’est pas si important que ça (contrairement au Musée lorrain à Nancy, dont le nom donne une idée assez claire de ce qu’on va y trouver). Ce serait une grosse erreur de le négliger, car il est en fait l’équivalent du Musée lorrain pour Nancy : un musée sur l’histoire de Metz !! C’est typiquement le type de musée dans lequel il faut emmener nos enfants régulièrement, car les programmes scolaires ne leur apprennent pas l’histoire locale, qui est, à mon sens, aussi importante que l’histoire nationale. Il me semble primordial de savoir qui étaient nos ancêtres pour se connaître soi : qui l’on est, et d’où l’on vient.
Il est d’autant plus intéressant actuellement d’aller faire un tour au Musée de la Cour d’Or, car le Musée lorrain à Nancy est fermé, en rénovation pour 5 ans !! L’occasion pour nous (Nancéiens) de nous ouvrir un peu à l’histoire des cités qui nous entourent, en attendant de pouvoir se replonger avec passion dans la nôtre !
Entrée et bâtiments occupés
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voulais vous parler un peu de la nouvelle entrée, et donc, puisque c’est lié, des bâtiments occupés par le musée.
Les 46 pièces (6000 m²) d’exposition sont réparties dans plusieurs bâtiments, dont principalement :
- le grenier de Chèvremont et des hôtels particuliers gothiques (fin Moyen Age donc),
- la petite église des Trinitaires (XVIe – XVIIe siècles),
- l’ancien monastère des Petits Carmes, XVIIIe siècle, qui a accueilli la Bibliothèque municipale au XIXe ; ces deux infos sont importantes, parce que la façade de la nouvelle entrée du musée est en fait la façade de l’église du monastère, et que l’intérieur de cette église/bibliothèque constitue cette nouvelle entrée. Les rayonnages de la bibliothèque y ont été refaits pour évoquer cette partie de l’histoire du bâtiment.
Quand vous entrez dans le bâtiment, vous êtes d’abord accueilli dans un espace assez sombre, avec devant vous un escalier très contemporain. Vous ne devinez absolument rien de ce qui se situe au dessus. En vous avançant vers l’escalier, les rayonnages se dévoilent, et au fur et à mesure que vous montez l’escalier, vous découvrez avec stupeur la magnificence de l’espace. L’effet est très, très réussi !
Comme certains d’entre vous le savent déjà, je suis historienne de formation. Je n’ai qu’une petite licence (on dirait Master I maintenant), mais c’est suffisant pour acquérir le sens du « journalisme du passé », cette curiosité aiguë qui pousse à l’enquête minutieuse, mais aussi de la rigueur dans les méthodes et dans les sources. Mon but à la base était de devenir archéologue en histoire romaine, qui me fascine au plus haut point, et ce depuis toujours ! La vie en a décidé autrement, mais j’ai gardé cette fascination aujourd’hui. Les vestiges romains / gallo-romains ont toujours été ceux qui me procuraient le plus d’émotions.
Je ne pouvais donc qu’être comblée par la première partie du Musée de la Cour d’Or : l’archéologie gallo-romaine !!!
Archéologie
Les thermes
Dans les années 1930, des vestiges de thermes gallo-romains ont été découverts dans le sous-sol (le musée existait déjà depuis plusieurs décennies, mais ne couvrait pas la surface actuelle, loin de là !). Les différentes « baignoires » mises à jour n’ont pas été déplacées, le parcours a été construit autour . C’est très bien organisé !
Art & quotidien
La collection gallo-romaine est très riche en objets du quotidien ! S’habiller, se parer, manger, prier ; la métallurgie, la verrerie, la terre cuite.
Sculpture, bas-reliefs et épigraphies
Le musée abrite une très grande collection de bas-reliefs, qui illustrent, salle après salle, la vie quotidienne (et mortuaire) des habitants de Metz il y a environ 2000 ans. Bien sûr, tout a été découvert à Metz essentiellement, en tout cas en Moselle.
Je ne rentre pas dans les détails : c’est beaucoup trop riche, le but ici n’est pas de faire un catalogue des artefacts exposés, mais de vous parler de mon expérience et de vous donner envie d’aller découvrir le reste par vous-mêmes. Vous me direz en commentaire si ça a marché ^^
Le haut Moyen Age
Qui dit archéologie, dit aussi Moyen Age ! En effet, l’archéologie est l’étude de tous les supports matériels fabriqués par l’homme, qui ont subsisté jusqu’à nous, quelle que soit l’époque. On peut donc admirer, au Musée de la Cour d’Or, des armes et objets de la vie quotidienne du temps des Mérovingiens (Metz étant la capitale du royaume d’Austrasie à ce moment-là).
L’architecture
On avance dans l’histoire de la ville : les parties Moyen Age et Renaissance du musée sont davantage axées architecture. On retrouve des éléments d’architecture « extérieure » entiers, super bien mis en valeur, mais aussi des pièces de maison reconstituées.
Le travail de la pierre
Le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains
C’est un vestige unique en Europe ! Saint-Pierre-aux-Nonnains est un monument de Metz qui existe encore (j’en parle dans cet article : Le Tour de Metz en un jour). Son origine est romaine (salle de sport attenant à des thermes ? basilique ?) mais il a été transformé en église au VIIe siècle. Ce chancel y a donc été retrouvé. Il servait à séparer les fidèles du clergé. Il est dans un état de conservation vraiment incroyable !
Dans la même salle, une rétrospective de l’écriture musicale au Moyen Age (les balbutiements du chant grégorien). Super intéressant ! On se demande vraiment comment ils comprenaient ce qu’ils devaient chanter ^^
Architecture romane
Architecture gothique
Cette dentelle de pierre… Le gothique flamboyant est vraiment ma période préférée en ce qui concerne l’architecture !
Architecture Renaissance
Hôtel particulier Renaissance, surnommé la « maison des têtes » : la façade de cet hôtel a été conservée au moment de sa démolition, et elle a été remontée ici !!!
Le grenier de Chèvremont
Il s’agit d’un grenier municipal construit au XVe siècle. Il abrite maintenant une partie du musée.
Dans cette partie du grenier est exposée une grande collection de statuaire des XIV et XVe siècle. C’est une de mes pièces coup de cœur, avec les thermes et l’escaliers des Carmes (plus bas). Je pourrais y rester des heures !
Décoration intérieure
La part belle est donnée à la Renaissance particulièrement, mais quelques éléments sont empruntés à la fin du Moyen Age et au début du XVIIè siècle.
Le Musée de la Cour d’Or possède des plafonds absolument exceptionnels, de par leur rareté et de par leur état de conservation.
Certaines pièces du musée étant installées dans des hôtels particuliers de la fin du Moyen Age, les installations bénéficient d’une mise en contexte vraiment idéale.
Vous connaissez sûrement mon amour pour les escaliers. Je suis tombée raide dingue de l’escalier du Carmel particulièrement (construit au XVIIe siècle, en même temps que le Carmel qui abrite une partie du musée). Il est magnifiquement mis en valeur par les murs sombres. Gros gros coup de cœur…
Cette rampe, en bois cette fois-ci, n’est pas mal non plus…
Art et artisanat : Moyen Age et Renaissance
La limite entre art et artisanat devient ici ténue : c’est là que commence la dernière partie du Musée de la Cour d’Or.
Les Beaux-Arts
Je suis moins touchée par cette partie que par les deux autres. On bascule dans l’histoire moderne (à partir du XVIe siècle), et on s’éloigne définitivement de ma chère Antiquité. Cependant, je ne peux que reconnaître la beauté des oeuvres, et certaines ne m’ont pas laissée de marbre.
Les salles sont agencées par siècle. C’est tout simple, mais au moins ça permet d’avoir les idées claires. Une bonne partie des tableaux tournent autour de l’art messin : soit parce qu’ils ont été peints par des artistes d’ici, soit parce qu’ils montrent des paysages (urbains ou ruraux) de Metz telle qu’elle était à ce moment-là. Quelques-uns cependant sont « juste » des chefs-d’oeuvre acquis par le musée depuis sa création.
Fin Renaissance et XVIe siècle
Quelques oeuvres de la fin de la Renaissance (XVe siècle) font la transition avec les salles précédentes.
J’ai été assez émue de ce portrait d’un de nos plus jeunes rois de France, Charles IX, tout jeune adolescent (XVIe siècle), peint dans par un membre de l’atelier de François Clouet. Je me souviens très bien qu’il était dans un de mes manuels d’histoire !! Quelle surprise de le voir en vrai ici !
Histoire de la communauté juive
Le grand tableau juste en dessous montre le massacre des Juifs à Metz en 1095. Au-delà du côté sombre de l’événement, il est intéressant de noter l’aperçu de Metz en arrière-plan. Le tableau a été peint au XIXe siècle ; ils avaient déjà des connaissances archéologiques des lieux, mais le visuel est en grande partie due à l’imagination du peintre, Auguste Migette (un grand peintre messin, ça parle beaucoup de lui tout au long de cette partie Beaux-Arts). Je suis épatée par la qualité des détails des personnages, l’atmosphère angoissante qui règne quand on « rentre » dans le tableau. Il est fort, ce Migette ^^
L’exposition montre quelques objets religieux également. Certains sont bien expliqués, d’autres auraient peut-être mérité plus d’explications pour une ignare comme moi sur ce sujet. Mais globalement on en apprend pas mal, c’est très intéressant !
XVIIe siècle
La grande star de cette période est sans conteste ce Portrait de la Ville et Cité de Metz ! Je vous l’avais d’ailleurs montré dans mon article Le tour de Metz en un jour, sans savoir qu’il était en fait hébergé ici-même ^^
Mes photos ne sont pas du tout à l’échelle les unes par rapport aux autres ! Certains tableaux sont petits, d’autres assez impressionnants par leur taille !
Kermesse flamande, Mattheus van Helmont – Portrait de femme, Jan van Bulert – Les Avares, Gillis van Tilborch
Quelques tableaux de François de Nomé, originaire de Metz, mais parti exercer en Italie. Un style légèrement Timburtonnien, avec les Enfers ^^
François de Nomé nous laisse un chouette Vue de Metz avec la mise au tombeau. C’est bien la ville de Metz, et non Jérusalem, qui est représentée, et fidèlement en plus. D’ailleurs, ce tableau est relativement contemporain du grand plan montré plus haut (début XVIIe siècle).
Encore un tableau qui était dans mes manuels d’Histoire…
Louis XIV en armure, Louis-Ferdinand Elle.
En fait, ce qui me fascine le plus dans ces tableaux « modernes », c’est le rendu des textures. C’est fou, ces techniques !!
XVIIIe siècle
Paysage animé, Jean-Baptiste Le Prince
Paysage avec les arches de Jouy, Jean-Baptiste Claudot (avec une vue sur l’aqueduc romain de Jouy-aux-Arches, près de Metz)
Le Renard et la Cigogne, Jean-Baptiste Oudry
Toujours ces textures de fou… Le temps que ça doit prendre ^^ J’ai bien aimé l’idée d’exposer ce tableau inachevé à droite. Ca permet de comprendre comment les peintres s’y prenaient : d’abord le fond, puis les personnages en esquisses, puis les détails. Quel boulot incroyable !
XIXe siècle
Mon courant de peinture préféré est l’impressionnisme. Comment évoquer une athmosphère avec précision, avec des traits imprécis. Passionnant !
Les îles Borromées, Henri Le Sidaner
Diverses vues de Metz : ici Vue de la cathédrale de Metz, Jacques-Dominique-Charles Gavard
Architecture messine, Auguste Migette – Les Roches à Metz, vue du sas, Louis-Pierre Renaud, dit Salzard
C’est assez drôle de se dire que ces différentes oeuvres sont contemporaines ^^ L’art du vitrail à Metz rayonne alors dans la France entière.
Danseuse espagnole, Jules Cheret – Saint Louis, saint Michel et saint Pierre protégeant Paris, Atelier Maréchal et Gugnon
Ici en bas à droite, une scène émouvante : les Adieux des soldats à leurs officiers, à Montigny-les-Metz, de Théodore Devilly, peintre lorrain. A l’issue de la guerre (perdue) de 1870, plus de 200 000 militaires français sont faits prisonniers et envoyés en Prusse.
XXe siècle
Alors autant vous le dire tout de suite : je suis totalement hermétique à l’art abstrait, qui se développe à partir de 1945. C’est pas que je ne veuille pas, hein ! Mais vraiment ça ne provoque en moi que de l’incompréhension. J’ai lu le contexte et les explications de chaque oeuvre, c’est intéressant comme point de vue, mais rien à faire : toujours aucune émotion. Tant pis, j’aurais essayé ^^
Je vais retenir de certaines oeuvres l’intérêt technique et expérimental :
Nature morte, Charles Lapicque – Etude de la perspective des couleurs
Ressac, Robert Wogensky – Travail de l’aquarelle, gouache et encre de Chine
Trophée au Cor de chasse, Jacques Villon – Eau forte et pointe sèche (sacrée finesse de travail !!)
Armure limpide, Dietrich Mohr – Jeux d’ombres et de lumières à travers le métal
Bilan
Le négatif
Bon là, je cherche clairement la petite bête. Parce qu’en plus, les solutions sont déjà trouvées :
- le Musée de la Cour d’Or est un vrai labyrinthe, il est très facile de se perdre. Comme le parcours traverse plusieurs bâtiments qui, à l’origine, ne communiquaient pas, on monte, on descend, on va à droite, on va à gauche, on revient sur ses pas… On a beau avoir un bon sens de l’orientation, on est vite perdu. Heureusement, à l’entrée vous est donné un guide détaillé, avec numéro de salles. De plus, régulièrement pendant le parcours, des guides (des vrais personnes cette fois-ci, lol) sont là pour vous aiguiller, ou même vous renseigner sur telles ou telles oeuvres. N’hésitez pas à leur poser des questions, ils n’attendent que ça !
- les horaires : 9h/12h30 – 13h45/17h. Pour un musée de cette taille, c’est vraiment étrange de le fermer à la mi-journée. Pour des gens comme moi qui veulent prendre leur temps, s’imprégner, tout lire, tout comprendre, c’est impossible de le faire une demi-journée. Heureusement, le ticket d’entrée est valable 24h !
Donc les conseils que je donnerais : arriver à l’ouverture le matin, et prévoir, au cas où, de manger à Metz à midi pour finir tranquillement sa visite après. - un autre souci d’un autre ordre : l’exposition des corps. Ces gens ont beau être morts depuis des siècles, voire quasiment deux millénaires pour l’un d’entre eux, ça me dérange. D’ailleurs je ne les ai pas montrés ici en photo. Je pense que ces gens ne méritent pas ce voyeurisme. Je comprends l’intérêt scientifique, mais rien n’empêche, à la rigueur, de montrer des photos, ou de faire une reconstitution. A moins que je n’aie rien compris et que ces squelettes soient justement des faux.
Le positif
Toute la partie gallo-romaine, quasi inexistante au Musée lorrain à Nancy (qui n’existe à l’état de hameau qu’à partir du VIIe siècle, et n’a réellement été créée en tant que fort qu’au XIe siècle).
Je suis ébahie par la grande richesse des collections exposées. Je précise « exposées », parce qu’à ce que j’ai lu, ça n’est qu’une minuscule partie des biens possédés par le musée. C’est FOU !
J’ai été très étonné également du prix de l’entrée : 5 € plein tarif, pour 24h donc. Vraiment très très abordable ! Aucune raison donc de ce priver de cette culture régionale incroyable.
Maintenant que je connais bien ce musée, l’objectif est d’y emmener les enfants. Je ne pense pas leur « infliger » la totalité du musée en une fois, c’est trop pour eux. Mais un petit peu à chaque fois, en fonction de leur programme d’histoire, je sais que ça les intéressera.
Et vous, vous y étiez déjà allé ? Ca vous donne envie de faire le déplacement ?

